Par Alexis Sierra, le 2 Mai 2021.
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Au 30 avril, la Tunisie se place au 18ème rang mondial du nombre de mort par million d’habitant du fait de la covid 19. Qu’il est loin le temps de la 1ère vague épidémique, quand médecins, médias, commentateurs s’interrogeaient sur une « exception tunisienne » ! L’écrivain et essayiste Abdelaziz Belkhodja a offert un des plus truculents exemple de ces interrogations dans son roman Virus Paradise. Cette fiction, sous-titrée délires d’un confiné, imagine le monde des virus, tels des extraterrestres qui tentent de coloniser la Terre, et l’échec de l’invasion de Covid19 en Tunisie. A travers ce récit surréaliste et burlesque, empreint d’un humour tunisien fait d’autodérision, l’auteur fait une critique acerbe de la société politique du pays. Les brigades de désinformation des virus sont ainsi dépassées par l’incapacité à avoir une information fiable en Tunisie, les discours officiels, de la rue, des réseaux se contredisants tous. Les stratégies d’attaques du virus se heurtent à l’inorganisation du pays et, à la propension des autorités politiques à annoncer quelque chose et à faire son contraire. Les virus doivent affronter une société caractérisée par une « bipolarité collective », le pays étant dépeint comme à la fois le plus pacifique et le plus terroriste, en même temps religieux et athée. Le détournement des fonds étrangers est également finement dénoncé à front renversé : les virus reçoivent de l’argent pour mener la guerre, mais la douceur de vivre, émolliente, annihile leur combat ; l’argent leur sert à vivre la dolce vite en achetant voitures de luxes et villas de luxe dans la banlieue nord de Tunis, celle des riches et des expatriés. Au fond, c’est l’adaptation à l’imprévisibilité qui semble faire la force des Tunisiens : habitués aux soubresauts et à des situations ubuesques, la peur de la pandémie ne les atteints pas. Ce n’est finalement pas si loin de l’impression que peut avoir aujourd’hui le promeneur dans la capitale, en voyant, en pleine 3ème vague, les cafés bondés, et une vie quasi normale, et ce, malgré les appels récurrents des médecins à d’autres pratiques.
A noter dans Virus Paradise, que bien que petite, la Tunisie est présentée comme un pays charnière entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne, position qui fait obstacle à la diffusion de l’épidémie vers le reste du continent : une hypothèse de plus pour expliquer l’exception africaine face à la pandémie ?...